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Le Temps de vivre

(titre provisoire)

Compagnie d’un pays lointain

Lecture

Texte de Boutaïna El Fekkak & Jérémie Scheidler
avec Boutaïna El Fekkak et Elios Noël
Administration Florence Verney
Visuel Jonas Mekas, Walden, Diaries, Notes and Sketches, 1968

2020.
Une ville, quelque part en France.
Un couple dans sa cuisine.
Leur fille de 9 mois est couchée dans la pièce d’à côté, la seule autre pièce de leur appartement ; ils sont épuisés.
Avec la nuit tombe la question soudaine, inattendue, et pourtant inévitable : est-ce qu’on est en train de séparer ?
Alors s’ouvre la discussion qu’ils n’ont cessé de repousser, de retarder, de peur de ce qu’elle pourrait révéler et contenir. Cette discussion va les tenir éveillés toute la nuit, là, dans leur cuisine, entre le rire fou et les larmes d’amour, entre la colère et les malentendus, entre les restes d’un repas à ranger, les événements de leurs métiers, de la garde de leur enfant, des contraintes administratives et domestiques qui leur prennent, dans le fond, tout leur temps.

Trois mois plus tôt, déjà, on avait pu les voir aux prises avec ces contraintes, essayer de trouver des solutions à cet ensemble de problèmes qui va peut-être les éloigner l’un de l’autre. Par la méditation, le coaching, les quelques liens qu’ils ont encore le temps d’entretenir, et dans leurs rêves et dans leurs fantasmes de vies oubliées et perdues.

Ce qu’il y a de plus précieux en nous, de plus essentiel, ce qui fait que nos vies valent la peine d’être vécues, c’est précisément ce à quoi l’ensemble de nos existences mondialisées et compétitives ne nous permet plus de faire de la place. Nous n’avons plus le temps de vivre : regarder un paysage, lire un livre, écouter une musique dix fois d’affilée, marcher sur les chemins, apprendre, rire, ou ne rien faire.

Après plusieurs temps d’écriture à Théâtre Ouvert et à Lilas en Scène, nous sommes heureux de vous inviter à cette ouverture de notre atelier de travail, sous la forme d’une lecture d’un premier état du texte Le Temps de vivre. Nous continuerons d’écrire tout l’automne après ce temps de rencontre du 4 octobre, et serons heureux d’avoir  à cette occasion vos premiers retours, et vos impressions. Boutaïna El Fekkak & Jérémie Scheidler

La génèse du projet

Un soir, Boutaïna El Fekkak entend à la radio Anouk Grinberg lisant un texte de Françoise Héritier, Le Sel de la vie. Boutaïna fond en larmes, sans comprendre son émotion. Dès le lendemain, elle achète le livre en question. Tout à coup, elle rencontre les mots qui disent ce qu’elle ressentait sans même en avoir conscience, comme si l’indicible, soudain, trouvait une parole pour se dire.
C’est une révélation. Nos vies sont désertées de tout ce qui fait « le sel de la vie ». Nous n’avons, pour ainsi dire, plus aucun temps pour vivre ce qui est le plus précieux, « toutes ces choses agréables auxquelles notre être profond aspire. »
Elle propose à Jérémie Scheidler de travailler sur ces questions pour un spectacle de théâtre. Pour lui, ce sera la même révélation.
Révélation qui se poursuivra lors des nombreux entretiens préparatoires qu’ils ont effectués à Lilas en Scène. Ils découvrent, en s’appuyant sur un questionnaire d’enquête sociologique, que cette question est essentielle pour la plupart des gens, que ce sont des problèmes qui génèrent beaucoup de souffrance, et qu’il n’y a aucun espace pour en parler.
C’est l’objet de ce spectacle.

La compagnie d’un pays lointain a été créée en 2016 pour le spectacle Layla, à présent je suis au fond du monde, écrit par Jérémie Scheidler, interprété par Boutaïna El Fekkak, porté en production par Florence Verney. Après Lisières, en 2020, et Comme la mer mon amour en 2022, la compagnie affirme, avec le spectacle Le Temps de vivre, qu’elle accueille, porte et propose les projets que Boutaïna El Fekkak et Jérémie Scheidler écrivent et mettent en scène ensemble.
D’un pays lointain, c’est le lieu depuis lequel une parole est possible, comme un décentrement nécessaire à toute réflexion, à tout geste artistique. Nommer, non pas une origine, mais un départ, un déplacement, comme le dit Michaux dans le poème Je vous écris d’un pays lointain. Ecrire, parler à quelqu’un, chercher une adresse possible depuis le lointain, c’est se défaire de nos positions et de nos certitudes, entrer dans l’inconnu ou dans l’inquiétude depuis laquelle nous pouvons réinventer le monde.

Production compagnie d’un pays lointain
Résidence à Lilas en Scène soutenue par la DRAC Ile-de-France, avec le soutien du Théâtre de la Tempête et de Théâtre Ouvert