centre d'échange et de création des arts de la scène
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Paul Robert 2012-2013

L’idée était, malgré le peu d’heures dont nous disposions, de raconter l’histoire d’Othello en quelques tableaux.

Le premier travail a été de choisir quelques scènes essentielles mettant en jeu les personnages principaux : Iago, Othello, Desdémone, Michel Cassio, Roderigo en mêlant scènes d’action (bagarre dans Chypre, scène du crime…), descriptions épiques (à travailler en chœur), scènes plus psychologiques…

Pour les élèves, manier ces personnages, leur rôle dans l’histoire, définir leur « personnalité » est déjà une chose très difficile.

 Au cours des deux premières séances dans l’auditorium du lycée, nous avons abordé le jeu théâtral par différentes techniques toujours utiles aux élèves souvent mal à l’aise avec l’expression orale.

Certaines scènes sont travaillées sur le mode épique : narration en chœur d’une tempête, alerte d’un père sur la désobéissance de sa fille.

D’autres scènes sont traitées sous la forme du théâtre forum : comment interpréter le comportement d’une jeune fille à l’égard d’un homme qui donne lieu à un débat sur le code de l’honneur d’une jeune fille d’aujourd’hui etc…

On travaille également la lecture (Il est difficile pour les élèves de comprendre le texte de Shakespeare et a forciori de l’apprendre mais on peut travailler sur une lecture jouée en frontal au pupitre).

Enfin, on aborde très brièvement l’improvisation autour d’un canevas de situations.

Le projet, qui devait se dérouler sur un temps ramassé à raison d’une séance par semaine, s’enlise, plusieurs séances sont annulées, remises…

La plupart des séances devaient avoir lieu au lycée mais nous décidons de convertir ces séances au lycée en un mini stage de deux jours à Lilas en Scène.

Les élèves déjà peu emballés (« le théâtre, ça n’est pas notre monde ») sont totalement démotivés, il faut tenter de les sortir de l’environnement scolaire pour leur changer les idées !

A leur arrivée à Lilas en Scène, nous leur faisons visiter les ateliers Jipanco et le bâtiment de Lilas en Scène. Leur grande réticence au projet nous décide à évacuer complètement le texte, à mettre à la poubelle tout le travail préparatoire. Ils semblent soulagés…

Ils ont néanmoins lu des extraits du texte, vu une production américaine basée sur le texte de Shakespeare ; ils connaissent plus ou moins l’histoire et ont conscience des enjeux de la pièce…

On travaille « à la table » durant lequel chacun développe sa perception de la pièce, des personnages, de manière très personnelle et très pertinente.

Il en ressort que la pièce de Shakespeare, même s’ils ne le disent pas facilement, les touche de près ; chacun dit beaucoup de lui-même et de ses préoccupations en tâchant de décrypter ce qui lui a plu ou déplu dans la pièce.

Nous nous lançons ensuite dans une série d’improvisations muettes et plutôt « techniques » basées sur des passages du texte : la découverte du mouchoir de Desdémone, soupçons conjugaux (impro muette), le meurtre (comment feindre l’étranglement…au théâtre), une femme discute avec son meilleur ami, leur comportement prête à confusion, etc…

Ils commencent à se détendre, à jouer…

Les improvisations deviennent plus construites, ils ont le temps de les préparer : ils doivent inventer des situations précises, mettant en jeu des personnages clairement définis les uns par rapport aux autres.

Les thèmes tournent bien sûr autour de l’injustice, de la fausse accusation, de la jalousie, dans les rapports amoureux ou au travail.

On ne peut plus les arrêter ; ils reprochaient à Shakespeare d’être trop bavard, trop long et ils se retrouvent confronter aux mêmes soucis.

 Ce travail, pour lequel quatorze heures ont semblé bien insuffisantes, donnera lieu malgré tout à une présentation publique, étape importante pour les élèves dans un parcours visant à leur donner confiance en eux.

La présentation qui devait, à l’origine du projet faire la part belle au texte de Shakespeare a finalement été le reflet le plus fidèle possible de nos deux jours de travail à Lilas en Scène : « reconstitution » de nos discussions (en beaucoup plus timide malheureusement mais le public est intimidant malgré tout), présentations des improvisations muettes et de certaines des improvisations dialoguées.

A la vérité, en sortant de ce travail, nous nous sommes dit « Voilà, maintenant ils sont prêts à border le texte et ça pourrait être formidable de voir jouer cette histoire par tous ces élèves aux personnalités fortes et complexes »…