DreamHaïti appartient au recueil DreamStories,
une des trois œuvres majeures publiées après la césure des années 80. Ce texte est un des sept rêvhistoires. Il s’agit là de textes tout à fait inclassables dans les genres et catégories familières, mais où, quelle que soit la mise en page, l’élément poétique - utilisation créatrice de la langue - est bien plus important que l’élément prosaïque - utilisation de la langue comme instrument d’information.
Kamau Brathwaite crée sa propre langue, « jeux de sons, jeux de sens » dont il élabore les règles.
Une langue qui se refonde dans les glissements de sens, les collages, l’appropriation d’autres idiomes. Il fait
œuvre de poète en rendant à la langue son pouvoir de création en la nettoyant de l’oppression dont elle fut l’instrument.
La typographie inventée et inventive de l’auteur est une des clés pour entrer dans le texte. Car c’est une façon de faire voir ce que le poète entend dans sa tête, de « mouiller » le mot dans la matière, de sortir du fait-divers, de faire œuvre de poète en exhaussant ce qui nous lie à cette humanité défigurée.
Ainsi les lettres allongées un peu confuses suggèrent à la fois la décomposition du corps dans l’eau et l’incertitude quant à l’identité du locuteur, qui est tour à tour ou simultanément le nègre noyé il y a bien longtemps lors d’un déracinement / arrachement en cale négrière, le poète égaré en rêve sur le pont d’une vedette garde-côtes US et le réfugié haïtien, parti dès avant l’aube de derrière le morne d’Estagnes sur les hauteurs de Port-Au- Prince, maintenant noyé lui aussi comme cet enfant/bougre/bouée, cet objet Sun Bryan, ce triangle repêché dans les eaux de l’infortune.
Triangle, rappel du trafic entre l’Europe, l’Afrique et le Nouveau Monde, allusion à ce commerce de bois d’ébène qui a si largement contribué au développement économique de l’Europe occidentale, à la construction de la société et des règles économiques sur lesquelles nous vivons encore aujourd’hui. Dans ce texte, Kamau Brathwaite nous convie à visiter le monde et ses figures oubliées, abandonnées, laissées sans sépulture que le poète empoème, pour nous donner la chance, par leur rencontre, d’une plus grande humanité. - Frédérique Liebaut
La compagnie Awa, direction Frédérique Liebaut.
Résidence de compagnie à Lilas en Scène en octobre 2014 / Présentation à Lilas en Scène le vendredi 10, samedi 11, lundi 13 Oct. 2014 à 20h / Création à Montréal, Québec, dans le cadre du Festival International de la Littérature – FIL le 17 septembre 2014. Reprise le 4 et 5 novembre au Théâtre Georges Leygues de Villeneuve sur Lot.
Et ce n'était pas qu'on allait quelque part
Conçu et mis en scène par Frédérique Liebaut
d’après « DreamHaïti » de Kamau Brathwaite, traduction française Christine Pagnoulle, édition Mémoire d’Encrier
Avec Mylène Wagram, Katia Scarton Kim
Son : Christophe Sechet
Lumières : Anais Souquet
Costumes : Dominique Louis
Riff : Joel Conduché