En 2011, j'ai mis en scène l'une des premières pièces de Jean Genet - Les Bonnes -
à la Comédie de l'Est à Colmar et à L'étoile du nord à Paris. Un captif amoureux, publié après sa mort et que j'adapte aujourd'hui à la scène, est son dernier texte. Ce récit est un chant d'amour à un peuple abandonné - les Palestiniens - le chant d'un poète devenu étranger à son propre pays - la France - qui écrit pour des exilés, des apatrides : des révolutionnaires !!
Loin d'être un manifeste politique, bien qu'il soit à sa manière très politique, loin d'être un pensum idéologique, bien qu'il participe à chaque instant à cette révolution palestinienne, Un captif amoureux est le livre d'un poète qui, délaissé depuis plusieurs années par l'écriture, retrouve l'inspiration grâce à l'engagement politique. La poésie de Genet se remet en marche auprès du peuple de Palestine dressé fièrement contre l'injustice d'Israël, des autres pays arabes et de l'Amérique. C'est en rêvant, comme il le dit lui-même, à l'intérieur du rêve palestinien que l'auteur du Miracle de la rose, a retrouvé sa verve. Mais cette nouvelle écriture ancrée dans l'action politique, marque un passage chez Genet de ce qu'il nomme " la grammaire de son imaginaire " - son théâtre, ses romans, sa poésie - à la " grammaire du monde ".
Olav Benestvedt et Benoît Plouzen-Morvan, mes deux interprètes, s’emparent de l’écriture de Genet comme deux corps et deux voix qui tantôt sont à l’unisson, tantôt sont dans le contrepoint. Acteur mais aussi chanteur lyrique, Olav qui est contre-ténor et a une grande plasticité vocale, joue sur les métamorphoses de genres, de cultures, d’âges. Il s’empare notamment d’un magnifique poème arabe de Mahmoud Darwich intitulé Ma Mère. Ce poème, chanté sur scène dans sa langue originale, fait singulièrement écho à l’épisode central du Captif amoureux autour de la mère d’Hamza. Benoît, lui, dans une belle voix de baryton, a été formé aux arts martiaux, et convoque un corps toujours dansant, agile et animal. Alors qu’Olav incarne la part suprêmement rêveuse de Genet, Benoît cherche plutôt l’énergie combattive et engagée du poète. Mais ce duo d’acteurs, d’artistes de la scène, a pour principe de n’être jamais figé. C’est à toutes les ambiguïtés, à tous les sens de l’être à deux sur scène, que nous travaillons autour du Captif amoureux. Au final, la beauté de ces deux acteurs jaillit et de l’écriture commune qui les rassemble et de la complicité physique qu’ils trouvent naturellement entre eux.
Guillaume Clayssen
La compagnie des attentifs, direction Guillaume Clayssen
Résidence de compagnie à Lilas en Scène de septembre à novembre 2014 / Présentation à Lilas en Scène le 29 novembre 2014 / Création en novembre 2014, reprise en janvier et février 2016 à l’Etoile du Nord
Un captif amoureux de Jean Genet
Mise en scène Guillaume Clayssen
Avec Olav Benestvedt, Benoît Plouzen-Morvan
vidéo Boris Carré, photos Raed Bawayah, lumières Eric Heinrich, costumes Séverine Thiébault,
scénographie Stéphanie Rapin, décors Bernard Gerest, son Samuel Mazzotti,
maquillage Isabelle Vernus